15/10/2012



- UN MOIS DE VOLONTARIAT -


Dimanche dernier, nous étions le 7 octobre. Dimanche dernier, je me suis réveillée de bonne humeur, animée par un enthousiasme débordant : j'allais écrire un article, en français pour en faire profiter mes compatriotes, à l'occasion de mes un mois de volontariat à la Seu.
Seulement voilà, nous sommes samedi 12 octobre et... toujours pas d'article. Je ne sais pas par où commencer. Par où continuer et par où terminer non plus, d'ailleurs.
Je n'ai pas envie de vous raconter mes journées une à une, du réveil, dans cette chambre que parfois encore je ne reconnais pas comme étant mienne en ouvrant les yeux, à l'extinction des feux après ma séance quotidienne de lecture en espagnol. Je voudrais vous servir quelque-chose de divertissant, vous emmener un peu avec moi à la Seu d'Urgell, vous faire vivre l'espace de quelques lignes un peu de la vie d'une volontaire européenne.
Voici donc, dans le désordre, quelques fragments, à peine une esquisse, tout au plus quelques contours, de ce mois passé dans les Pyrénées catalanes.

Du départ, de l'arrivée... et de la nécessité de s'y préparer.

Je suis une grande fille de 28 ans, j'ai l'habitude de voyager. Aussi ai-je pris un peu à la légère les conseils de mes amis, de mon organisation d'envoi. Je suis partie comme ça, sans autre forme de préparation que la valise que j'ai faite bien entendu au dernier moment. A ma décharge, c'était ma première fois avec une valise. Grande baroudeuse que je suis, je n'ai eu d'aventures qu'avec des sacs à dos. Et je dois confesser que, jusqu'à présent, je regardais même avec quelque dédain celles qui pour moi renfermaient la promesse de vacances bourgeoisement ennuyeuse dans un hôtel de capitale.
Du coup, j'ai fait comme on fait toujours la première fois, maladroitement. J'ai rempli ma valise comme pour partir en randonnée : quelques vêtements, des chaussures de marche, une trousse de toilette sommaire. Quant au reste, j'apprendrai à m'en passer.
Quelques heures après avoir quitté l'aéroport de Barcelone, je pose ma pauvre petite valise dans un nouvel appartement, une nouvelle ville, un nouveau pays et je comprends que je ne suis pas partie pour de longues vacances mais bien pour une nouvelle vie.
Les deux autres volontaires s'empressent de remplir leur chambre d'objets qui leur rappellent qui elles sont, d'où elles viennent : photos de leurs proches, livres et films dans leur langue, souvenirs et autres menus trésors. Moi, je range mes vêtements et... plus rien. Je me sens seule, perdue.
Mais de ce vide sidéral qui m'entoure, je vais apprendre et découvrir en moi des ressources que j'ignorais. Moi qui ne m'en étais jamais donné les moyens, moi qui m'en étais toujours cru incapable, je vais en quelques heures libérer toute l'énergie créatrice que j'avais enfouie sous  une carapace d'inhibitions et de complexes. Je sors dans la rue. Indifférente au regard des gens, je récolte tout ce qui me tombe sous la main, réveillant la Amélie Poulain qui sommeille en moi. Une assiette de porcelaine blanche, quelques cailloux colorés, trois feuilles mortes et voilà que nait sur ma commode tout un paysage automnal qui me dit qui je suis quand je le regarde puisque c'est moi qui lui ai donné la vie. Quelques feuilles de Canson colorées, deux feutres,une bombe de peinture noire, et voilà que tout à coup je sais dessiner, dessiner quelque chose qui me ressemble puisque j'ai laissé enfin libre cours à mon imagination que je découvre fertile. Et, alors que je m'étends sur mon lit pour contempler ce nouvel univers, je comprends que durant ces six mois, je vais apprendre l'espagnol, le catalan... mais je vais surtout apprendre un peu mieux qui je suis.

Petits et grands apprentissages

Quoi que vous pensiez de mes hautes envolées philosophiques, le SVE n'en reste pas moins d'abord et avant tout un merveilleux chantier d'apprentissages. Bien sûr il y a les plus évidents, les grands : apprendre la langue du pays dans lequel vous vous trouvez, apprendre à vivre et à travailler avec des gens qui n'ont pas la même culture que vous, apprendre à réaliser de nouvelles tâches, apprendre à participer à de nouvelles activités... autant de nouvelles compétences qui à la fin du séjour sont certifiées par un beau papier officiel appelé le Youthpass. Et puis il y a le off. Tous ces micros apprentissages de la vie quotidienne qui ne sont sanctionnés par aucun diplome, qui parfois même se payent le luxe de ne servir à rien mais qui sont autant de petites gourmandises pour l'esprit. En voici une liste non exhaustive.
J'ai appris qu'en Catalogne, on parle catalan. Pour de vrai. Que ce n'est pas un patois pratiqué par quelques octogénaires vivant du fromage de leurs trois chèvres dans des hameaux reculés de la montagne mais bien la langue de communication de 99% de la population catalane.J'ai appris qu'en Roumanie -une de mes colocataires est roumaine-, on cuit les pâtes dans l'eau froide. (Malgré mon ouverture d'esprit, le résultat ne m'a pas pleinement convaincue). J'ai appris (à mes dépends) que quand un produit est rangé au rayon lessive, qu'il ressemble à de la lessive mais qu'il n'est mentionné nul part qu'il s'agit de lessive, c'est que... ce n'est pas de la lessive. Et oui, lejia en espagnol ça veut dire eau de javel ; mon tee-shirt anciennement bleu et qui arbore maintenant une couleur de saumon anémié s'en souvient. J'ai appris à dire à ta santé en hongrois : Egészségedre!  J'ai appris que la Catalogne n'est pas l'Espagne, sauf pour ce qui concerne la ponctualité et qu'il n'y a pas une nuance mais un gouffre entre ahora (trad. : maintenant, notion très vague surtout quand il s'agit de l'heure d'arrivée d'un bus et qui peut largement s'appliquer à un temps supérieur à la demi-heure) et ahora mismo (trad. littérale : maintenant même, qui signifie que vous devriez apercevoir votre bus dans les dix prochaines minutes). J'ai appris que le métier de traducteur simultané était encore plus difficile à exercer lorsqu'il s'agissait de traduire de l'allemand puisque le verbe est à la fin de la phrase. J'ai appris que le catalan, le français et l'italien étaient trois langues issus du latin vulgaire alors que l'espagnol découlait du latin classique et que cela expliquait que fenêtre se dise finestra en catalan et en italien mais ventana en espagnol (ventana venant du mot latin ventus, le vent, qui a également donné wind et par extension window en anglais). Et j'ai aussi appris que, pour trouver la réponse à une question, il faut commencer par lire la question. Je m'explique...

De la difficulté de trouver sa place en tant que volontaire

Je l'ai déjà dit, je suis une grande fille. Ça fait quelques années tout de même que je ne rapporte plus mon linge sale chez maman à la fin de la semaine et que je gagne toute seule mon pain quotidien. Du coup, partir travailler à l'étranger, ça ne me fait pas peur. Travailler en France, je sais faire. On te fait signer un contrat de travail, tu as des tâches précises à accomplir, des horaires à respecter. Faire la même chose de l'autre côté des Pyrénées, ça ne devrait pas être sorcier.
Lundi matin 9 septembre, j'arrive à mon nouveau travail, « la Oficina Jove Alt Urgell », je rencontre ma tutrice. On parle un peu, elle nous donne, à moi et mes compagnes de SVE, un chronogramme avec les activités auxquelles nous pourrions participer et... s'en retourne vaquer à ses occupations. Mais non ! Attends, c'est pas juste, reviens ! On m'a pas donné les consignes, à moi ! Comment ça, y a pas de consignes ? Mais, on fait quoi alors ?
Je ne suis pas plus bête qu'une autre, je pense que chaque volontaire européen est passé par cette phase. Après, il y a différentes manières de réagir selon que domine plutôt en nous le binoclard du premier rang ou le cancre à la recherche de la place la plus proche du radiateur. Il y a ceux qui sont ravis de pouvoir ne rien faire et ceux qui angoissent à l'idée de perdre leur temps, voire de se faire gronder. La première semaine j'oscillais un peu entre les deux et j'étais franchement déçue d'avoir choisi un projet si peu structuré. Et puis, à la lueur de la formation que, comme tout volontaire, j'ai reçue quelques temps après mon arrivée, j'ai relu l'énoncé. Et là, révélation : dans Service Volontaire Européen, il y a « Volontaire ». Ça voudrait donc dire que c'est un peu à moi de créer les contour de mon propre projet ? Que personne ne va me prendre par la main et me dire ce que je doit faire ? Mais c'est déconcertant ça ! Et en même temps tellement intéressant ! Bon alors voyons, qu'est-ce que je sais faire ? Je pourrai peut-être m'occuper des jeunes d'ici qui veulent partir en volontariat ? Ou bien donner des cours de français ? Ou bien transcrire le fond documentaire français des archives locales ? Ou monter un café des langues ? Et pourquoi pas ne pas choisir et faire tout ça à la fois ? Alors je me suis prise moi toute seule par la main, comme la grande fille de 28 ans que je suis, et je crois que c'est à ce moment là qu'a vraiment débuté mon volontariat. On devait être à peu près le 20 septembre. Finalement, je ne suis pas si en retard que ça pour publier cet article sur mes un mois de volontariat...

Sarah B.

2 comments:

  1. Bon, maintenant je seulement l'ai copié cet article. Aprés, peût être, je l'utiliserai pour fair an presentation-trevail a le course de français de l'E.O.I.

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  2. salut, Sarah, et bienvenue a la reale Catalogne!

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